Au Musée d’Art Moderne de Paris, une exposition éclaire l’art à l’ère atomique

La Rédaction
Le Musée d’Art Moderne de Paris plonge le public dans un voyage inédit à travers le XXe siècle avec « L’Âge atomique : les artistes à l’épreuve de l’histoire », une exposition majeure qui interroge les liens complexes entre art, science et politique à l’ère nucléaire. À travers 250 œuvres variées (peintures, installations, vidéos) et une riche documentation historique, l’exposition invite à revisiter la modernité sous le prisme de l’atome et de ses implications, des découvertes scientifiques jusqu’aux débats sociaux et culturels qui en découlent.

Bruce Conner, Bombhead (détail), 2002
L’exposition explore d’abord l’impact des découvertes scientifiques sur la représentation artistique. Dès l’aube du XXe siècle, la compréhension nouvelle de la matière comme énergie révolutionne les pratiques artistiques. Des visions abstraites et spirituelles de Kandinsky ou Hilma af Klint aux expérimentations conceptuelles de Marcel Duchamp, les artistes se détachent de l’apparence concrète des choses pour inventer de nouveaux langages, libérés des contraintes matérielles.
Avec l’avènement de la bombe atomique, un tournant décisif s’opère. Les artistes interprètent cette nouvelle réalité avec des approches variées, oscillant entre fascination et critique. Tandis que certains, comme Salvador Dalí ou Yves Klein, s’approprient l’esthétique des mondes inconnus révélés par la physique, d’autres, comme Guy Debord, dénoncent la spectacularisation des explosions et interrogent la marchandisation de l’imaginaire nucléaire. La prolifération de l’image du champignon nucléaire dans la culture populaire devient un symbole ambivalent : à la fois célébration de la puissance technologique et vecteur de domination politique et économique.
À partir des années 1970, les préoccupations écologiques et les mouvements pacifistes redéfinissent les enjeux de la représentation de l’atome. L’accident de Tchernobyl en 1986 marque un tournant où l’homme cède sa place centrale à une réflexion élargie sur le vivant dans son ensemble. L’art contemporain s’imbrique alors dans des luttes globales, du féminisme à l’anticolonialisme, pour dénoncer l’irréversibilité de l’Âge atomique et interroger notre responsabilité face à l’avenir.
Jim Shaw I’ll Build a Stairway to Paradise 2022
Médiums divers (mousse, résine, fibre de verre, bois, plastique et acrylique sur mousseline)
101,6 x 152,4 x 41,9 cm Gagosian © Jim Shaw. Courtesy Gagosian

Une programmation ambitieuse
Cette rétrospective se distingue par la diversité des œuvres présentées, issues de grandes institutions internationales comme le MoMA de New York, la Tate de Londres ou encore le musée Reina Sofía de Madrid. Les visiteurs pourront découvrir des pièces majeures de Salvador Dalí, Francis Bacon, Vassily Kandinsky, Hilma af Klint, Pierre Huyghe, Yayoi Kusama, Lucio Fontana ou encore Sigmar Polke, mais aussi celles de figures engagées comme Guy Debord ou Gustav Metzger. Ces œuvres s’accompagnent de documents inédits provenant d’archives prestigieuses (Académie des sciences, Hiroshima Peace Memorial Museum, Bibliothèque nationale de France, etc.), soulignant l’enchevêtrement des avancées scientifiques, des tensions politiques et des créations artistiques.

Andy Warhol, Atomic Bomb: Red Explosion, 1963
Un catalogue d’exposition riche complète la visite, réunissant essais, témoignages d’artistes contemporains et une chronologie détaillée retraçant les étapes clés de cet âge sans retour, où l’art, la science et la politique s’entrelacent indissociablement.
Un sujet brûlant d’actualité
Si « L’Âge atomique » revisite le passé, il trouve une résonance saisissante dans les préoccupations contemporaines. Face aux défis écologiques et aux menaces nucléaires, cette exposition propose une réflexion collective sur notre présent et l’impact durable de l’atome sur la condition humaine et le vivant.
Une traversée captivante à ne pas manquer, où des figures comme Jackson Pollock, Tetsumi Kudo, Nancy Spero ou encore Asger Jorn s’associent à des récits historiques pour éclairer les complexités d’un monde atomisé.
Informations pratiques :
- Dates : du 11 octobre 2024 au 9 février 2025
- Lieu : Musée d’Art Moderne de Paris
- Commissaires : Julia Garimorth et Maria Stavrinaki, avec la conseillère scientifique Kyveli Mavrokordopoulou