Mehdi Qotbi expose à l’IMA
Touhami Ennadre
Dans ce pamphlet, l’artiste franco-marocain Touhami Ennadre dénonce le favoritisme manifeste dans l’actuelle rétrospective de Mehdi Qotbi à l’Institut du monde arabe, perçue comme un échange de services entre Qotbi, président de la Fondation nationale des musées du Maroc, et Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe.
L’artiste critique la promotion personnelle de Qotbi au détriment des jeunes artistes marocains et souligne les manœuvres d’entre-soi qui renforcent leur pouvoir…
Ce texte, publié par Terss avec l’accord de l’artiste Ennadre, fait partie de notre dossier/enquête sur le marché de l’art contemporain maghrébin.
***
En soi, l’actuelle rétrospective à l’Institut du monde arabe des œuvres de Mohamed dit Mehdi Qotbi représente un flagrant délit de favoritisme. Pour moi, cette exposition de complaisance n’est pas une surprise : elle témoigne d’un renvoi d’ascenseur qui ne se défend même pas de l’être. Permettez-moi d’éclairer ces connexions trompeuses qui abusent sans scrupules de la crédulité du public. Grâce à Mehdi Qotbi, Jack Lang s’exposait en mars 2023, via les collections de l’IMA, au Musée National Mohammed VI à Rabat avant de circuler dans d’autres musées du Maroc comme Agadir ou Tanger… Lors de la présentation de l’évènement, aucun des artistes n’était présent. Seul, le trio Lang – Bondil* – Qotbi s’affichait pour mieux siphonner leur travail. Il suffit d’écouter ce qui sortait alors de leur bouche pour le comprendre…
Qotbi, président de la Fondation nationale des musées, FNM, du Maroc, avait exposé Lang à travers le pays, au tour de Lang de l’exposer à Paris. C’est fait. En tant que souverain de tous les musées nationaux du Royaume, la première mission de Qotbi est de promouvoir les jeunes artistes marocains. Hélas, Qotbi préfère la promotion de lui-même. Sa page Instagram suffit à s’en convaincre… Ça ne vous rappelle rien ? Qotbi/Lang, Lang/Qotbi, recto/verso de génies auto-proclamés, l’un encensé par les zélateurs de l’autre et vice versa. Vase clos qui exalte l’entre-soi, le deux-poids, deux mesures de part et d’autre de la Méditerranée.
Après Qotbi-VRP de lui-même, considérons l’artiste. Doux à l’œil, sans aspérité ni remise en question au fil du temps, son travail se laisse regarder. Pourquoi alors l’abreuver d’explications, de dithyrambes, de comparaisons disproportionnées, qui le desserviraient plutôt ?! Un véritable artiste l’éviterait, au contraire, car son mérite est apparent. Pour rendre Qotbi plus attractif aux yeux des mondains et le déguiser en maître, l’avaleuse de couleuvres Nathalie Bondil, féale de Lang, sans peur de se discréditer, le hisse au niveau d’un Jackson Pollock, d’un Mark Tobey, cite Monet et d’autres écrivains ou poètes reconnus…
Croit-elle vraiment, à mastiquer ces noms célèbres, muer le crapaud en prince charmant ?! Derrière le leurre, l’affaire est plus simple : un président à vie expose un autre président à vie. Normal. Ce qui les lie, outre le pouvoir absolu qu’ils exercent sur leurs fiels respectifs, c’est la voracité. Au cours des années, Qotbi s’est surpassé en largesses, invitations somptuaires, flatteries. Lang s’en est gavé. Il lui fallait bien rendre un peu de ces avantages à son allié stratégique : pourquoi pas un solo show qui le légitimerait à l’international ? Vive l’IMA.
Je connais Mohamed-Mehdi Qotbi depuis plusieurs décennies. Son obsession ; paraître plus grand qu’il n’est et je le comprends. Pour y parvenir, il a aiguisé ses dents afin de ne jamais lâcher sa proie. Michel Jobert, ministre des affaires étrangères et de l’Europe puis du commerce extérieur dans les années soixante-dix quatre-vingt, l’avait déjà jugé : “Qotbi est un racoleur expérimenté et inévitable. Vous le chassez par la porte, il revient par la fenêtre !“ La seule manière de s’en débarrasser, c’est de l’encenser. Dieu merci, les personnes qui savent regarder, ne se laissent pas prendre dans les rets tendus par des Lang et autres Qotbi mais à quel prix. Qui tirera enfin tout ça au clair ?
NDLR: L’opinion exprimée dans ce texte est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement de Terss.
Touhami Ennadre (Casablanca, 1953)
Artiste photographe franco-marocain